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UN MAITRE-MOT : L'ORAISON

Tout ce qui vit et respire loue le Seigneur. Nous sommes des êtres de louange créés originellement pour respirer et transpirer Dieu. Tout en nous a été conçu pour la communication, pour la communion avec la nature et les êtres qui nous entourent et avec Dieu. Sans que nous nous en rendions compte, un échange s'opère en permanence avec l'air, la lumière, les couleurs, les vibrations, des courants électriques indiscernables; que cet échange cesse et nous mourons, et nous nous atrophions. Mais l'homme naturel que nous venons de décrire n'est pas que son corps, il est aussi son âme. La Genèse le nomme l'âme vivante. Cette région intime de l'être respire elle aussi pour se maintenir en vie : l'âme est vraiment vivante. Or cet échange, cet admirable échange, pour reprendre les termes de la liturgie eucharistique, cet admirable échange s'opère en Dieu. Il est notre milieu divin, l'eau sans laquelle agonise le poisson, l'air qui porte l'oiseau, la vibration mélodieuse qui porte la joie et tonifie le corps, la vibration lumineuse qui éclaire et réchauffe et donne ses couleurs à la vie.

Sans cette respiration la vie devient désespérante, imbuvable et les pires comptes peuvent être réclamés à Dieu. Celui qui a profondément respiré en Dieu est comme aveuglé par trop de soleil et la réalité lui semble soudain sans saveur et comme décolorée.

La vie sans Dieu est triste, et cette tristesse se lit aisément sur tout ce qui porte l'empreinte du monde : visages et choses.

La vie en Dieu nous comble d'un bonheur fort à en mourir et lorsqu'il nous est retiré nous goûtons une tristesse selon Dieu qui nous conduit à la repentance, pour nous et pour tout ce qui, dans le monde vit et respire.

Cette respiration a un nom : oraison.


Les disciples , comme des marcheurs à bout de souffle, posent au Seigneur la grande question : comment prier ? Apprend-nous à prier. Jésus ne s'en étonne pas mais répond par une prière traditionnelle, le kaddish, qu'il va adapter, transformer, car les disciples comme tout juif sont sensés être des hommes de prière qui, sept fois le jour, se tournent vers leur Dieu. Poser cette question revient à demander comment respirer?


Or , respirer c'est faire oraison afin que Dieu qui est Esprit pénètre dans tous les pores de l'être. Un jeune novice demanda un jour à un vieux moine : comment fait-on pour prier ? Tous deux se trouvaient au bord d'une rivière, le vieillard saisit la tête du novice et la plongeant dans l'eau, il la maintint un long moment. Lorsque le jeune put se dégager de cette terrible étreinte. Il aspira profondément l'air. Le vieillard commenta : ta vie dépend de cette respiration, quand tu désireras Dieu comme tu as désiré cette bouchée d'air, alors tu prieras véritablement.


Dans la réalité cet air vivifiant nous entoure mais nous ne le désirons pas. Sainte Thérèse reprend l'antique image de l'homme qui se laisse mourir de soif à côté d'une fontaine et la développe pour illustrer la même réalité. Nous nous trouvons à côté d'un puits plus ou moins profond, au fond de l'eau qui nous est indispensable: il nous reste comme initiative personnelle à laisser descendre le seau au bout d'une corde et à le remonter.


Dans la pensée de la sainte, désir et détermination seront les clefs qui ouvrent la porte de l'oraison. Détermination, car cette voie est semée d'embûches et le goût de l'eau ne se fera pas toujours sentir, il arrivera que l'on boive sans fin sans avoir l'impression de se désaltérer. Parfois la soif elle-même disparaîtra. Dans les épreuves, la grande sainte ne cessera de répéter à ses filles : oraison, oraison, oraison. Celui qui est dans la sécheresse se plaindra d'une certaine incapacité à faire oraison, mais n'est-ce pas le moment ou jamais où l'irrigation est nécessaire dans ces couches profondes de l'être que l'on ne perçoit plus sensiblement ? Détermination ! Qui peut s'arrêter de respirer ne fut-ce qu'une seconde ? Priez sans cesse. Bien des hommes poseront encore cette question : comment prier, après des années de vie religieuse, alors qu'ils ont tout simplement manqué de détermination.


Extrait de Déjà les blés sont blancs, Frère Ephraïm, Edition le Sarment Fayard




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